La chute du régime syrien le 8 décembre est, entre autres, symbolisée par la fin des portraits et des statues de la famille Assad qui parsemaient les villes comme les campagnes. C’est aussi la fin annoncée du drapeau à deux étoiles.
Une dizaine de drapeaux ont représenté la Syrie depuis 1920, année de proclamation de l’indépendance, évoluant au gré des alliances de la Syrie avec différents pays arabes. Mais seuls deux d’entre eux retiennent toutes les attentions depuis 2011.
Retour aux origines
Le 8 décembre 2024, le pays retrouve le drapeau de la République syrienne d’autrefois (1932-1958). Les trois bandes horizontales verte blanche et noire représentent les trois couleurs panarabes : le vert symbolise les premières années de l’Islam sous les Rashidun, tandis que le blanc fait référence à la dynastie des Omeyyades et le noir au califat abbasside qui gouverna de 750 après J.C. jusqu’au milieu du XIIIe siècle. Les trois étoiles rouges représentent les grandes villes de Damas (sud-ouest), Alep (nord-ouest) et Deir Ezzor (est).
Dans une Syrie alors sous mandat français, ce drapeau est hissé pour la première fois à Alep en 1932. À partir de 1936, les trois régions sont représentées par une seule étoile sur le drapeau, tandis que les deux autres symbolisent l’État des Alaouites et l’État des Druzes ayant rejoint la Syrie. Il est officiellement adopté en 1936 et devient l’étendard du pays à son indépendance en 1946 et jusqu’à 1958. Il refera une brève apparition entre 1961 et 1963 lors de la fin de la République arabe unie.
Un drapeau symbole du parti Baas
La République arabe unie voit le jour en 1958, entre la Syrie et l’Égypte de Nasser. L’étendard aux trois bandes horizontales, noire, blanche et rouge, frappées de deux étoiles vertes, apparaît. Il est inspiré du drapeau égyptien : le rouge symbolise le sang des martyrs, le blanc, la paix et le noir le passé colonial. Ces couleurs qui illustrent la première grande révolution arabe, quand Nasser renversa la monarchie égyptienne en 1952. Quant aux deux étoiles vertes, l’une représente la Syrie, l’autre l’Égypte.
En 1963, le parti Baas prend le pouvoir en Syrie. Le pays adopte alors un drapeau rouge-blanc-noir identique au drapeau irakien alors en usage, avec trois étoiles vertes symbolisant l’Égypte, la Syrie et l’Irak.
Réintroduit en 1980, le drapeau bassiste de la République arabe syrienne reprend les couleurs de celui de l’ancienne République arabe unie. Durant toute l’ère des Assad père et fils, c’est ce drapeau à deux étoiles qui est arboré. Ce drapeau est, en théorie, aujourd’hui encore le drapeau officiel de la Syrie.
Il représente 80 ans de régime baasiste. Le Baas, « Parti socialiste de la résurrection arabe », est fondé officiellement à Damas le 7 avril 1947. Il souhaitait au départ combiner le socialisme et le nationalisme arabe, il reconnaissait la place prépondérante de l’islam tout en préconisant un État laïc pour réunir toutes les composantes d’une nation arabe divisée sur le plan confessionnel. Jusqu’en 2011, l’ancien drapeau de l’indépendance, aux trois étoiles, n’est pas pour autant mis aux oubliettes. Il apparaît lors de commémorations historiques et sur certains timbres postaux.
Mais dès le début des printemps arabes et jusqu’à la chute du régime des Assad treize ans plus tard, ce drapeau est réprimé en Syrie. Défini par le régime comme le « drapeau du colonialisme », il est brandi dans toutes les manifestations en Europe et dans le monde.
Cette bannière est adoptée en novembre 2011 par le Conseil national syrien basé à Istanbul comme drapeau officiel de l’opposition. Deux semaines à peine après la chute du régime Assad, ce pavillon flotte sur de nombreux consulats et ambassades de Syrie, jusqu’à Moscou même où le président déchu a pourtant trouvé refuge.
D’autres drapeaux depuis une dizaine d’années
Depuis le début de la guerre en 2011, d’autres pavillons fleurissent dans le pays. Tout d’abord l’étendard noir des jihadistes du groupe État islamique, qui ont gouverné un embryon d’Etat englobant plusieurs millions de personnes et coupables de multiples exactions en Irak et en Syrie à partir de 2014. Depuis la chute de Bachar el-Assad, les craintes d’un retour en force de ce drapeau dans l’ouest du pays s’accroissent.
Le Front al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaïda, a aussi eu son drapeau, noir avec la shahada (profession de foi musulmane) calligraphiée en blanc. Le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) à la tête de la coalition qui a pris le pouvoir à Damas, est issu de cette faction et son drapeau est blanc avec une bande verte et un cercle central orné de la shahada écrite sur un fond vert. Parmi les drapeaux régionaux qui ont aussi fleuri, figure celui des KURDES de Syrie, rouge, blanc, vert et jaune, hissé dans les zones sous leur contrôle.
Craintes autour du drapeau de HTS aux côtés du drapeau de la révolution
Mohammad al-Bachir, à la tête du gouvernement de transition, a été photographié peu de temps après sa désignation avec deux drapeaux, celui de la révolution et un autre drapeau blanc portant la shahada inscrite en noir, provoquant de nombreuses craintes sur les réseaux sociaux et un rétropédalage des nouvelles autorités qui dorénavant s’emploient à n’arborer que le drapeau syrien à trois étoiles.
Jeudi 19 décembre, des centaines de personnes ont manifesté dans le centre de Damas pour la démocratie et les droits des femmes. « Nous voulons la démocratie, pas un État religieux », « La Syrie, État libre et séculier », ont scandé les manifestants, hommes et femmes, rassemblés sur l’emblématique place des Omeyyades. « Pas de nation libre sans femmes libres », affirmait une pancarte.
Si la question de la transition et de la future gouvernance se pose désormais dans ce pays morcelé, ce sont les trois étoiles du drapeau né sous le mandat français qui devraient ainsi briller sur la Syrie post-Assad.
Avec RFI