Selon l’Élysée, le président Macron estime que « la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté ». Le chef de l’État dira dans une vidéo qui sera diffusée ce week-end à l’occasion du 30 anniversaire du génocide au Rwanda.
Pour Emmanuel Macron, la France qui « aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté », a rapporté jeudi l’Élysée, alors que le Rwanda s’apprête à commémorer durant 100 jours les 30 ans du génocide de 1994 perpétré contre les Tutsis. Des massacres qui ont débuté le 7 avril 1994 et qui ont fait entre 800 000 et un million de morts.
Le président français, qui avait déjà reconnu en 2021 la « responsabilité » de son pays dans le génocide, s’exprimera dimanche « par une vidéo qui sera publiée sur ses réseaux sociaux », a ajouté une source à l’Élysée.
« Le chef de l’État rappellera notamment que, quand la phase d’extermination totale contre les Tutsis a commencé, la communauté internationale avait les moyens de savoir et d’agir, par sa connaissance des génocides que nous avaient révélée les survivants des Arméniens et de la Shoah, et que la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté », précise cette même source. Pour rappel, la force de la Mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda (MINUAR) avait retiré 90% de ses Casques bleus seulement deux semaines après le début des massacres.
Paris précise que ce discours s’inscrira dans la continuité de celui que le dirigeant français avait tenu à Kigali en mai 2021. Le président s’appuyait alors sur les conclusions du rapport Duclert, tout juste livré par une commission d’historiens chargée du dossier. Peu après la publication du rapport, le professeur Vincent Duclert insistait sur RFI sur la manière dont « la France avait contribué à renforcer la dérive raciste et le surarmement » du pouvoir hutu de l’époque.
Invité aux commémorations par le président rwandais, Paul Kagame, dont il est proche (celui-ci l’appelle « mon ami »), Emmanuel Macron ne s’y rendra pas. Il y sera représenté par le ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, et par le secrétaire d’État chargé de la Mer, Hervé Berville.
Un « pas important »
L’association Ibuka France, qui regroupe les rescapés vivant en France du génocide des Tutsis en 1994, a réagi à cette annonce de l’Élysée. Son président, l’historien Marcel Kabanda, s’est dit « très content » par ce qu’il qualifie de « pas important » qui vient d’être franchi. Il appelle la France à aller plus loin en présentant ses excuses aux victimes de ce génocide.
<<Je suis très content que le président Macron soit fidèle au mouvement qu’il a enclenché depuis 2019 quand il a créé la commission d’historiens qui a étudié les responsabilités de la France et qui a conclu qu’elles étaient lourdes et accablantes. C’est un pas de plus qu’il fait, c’est à son honneur et à l’honneur de la France qu’il représente. (…) Je pense qu’il va beaucoup plus loin que le rapport, c’est apaisant pour nous d’aller à la trentaine commémoration avec cette déclaration.>>
Réaction mesurée du côté du Collectif des parties civiles pour le Rwanda qui traque depuis des décennies les génocidaires rwandais. Alain Gauthier concède une petite avancée, mais il estime que c’est trop peu. « Il y a un petit pas de plus, mais pour les rescapés, pour les victimes, ça n’apporte pas grand-chose. Simplement la reconnaissance que, au-delà d’une responsabilité lourde et accablante, il y a eu un manque total de volonté d’intervenir. »
Il considère qu’il faut aller plus loin et ne pas « avoir peur d’utiliser le mot complicité ». « Le gouvernement français de 1994, s’il n’a pas eu la volonté d’intervenir alors qu’il savait ce qui se passait et ce qui allait encore se passer, il faut aller jusqu’à reconnaître la complicité de l’État français. »
Avec RFI